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Céréales « Le blé français est un très bon blé moyen »

Mercredi 20 mars s’est tenue la 10e journée de France Export Céréales au cours de laquelle la place du blé tricolore sur le marché mondial (UE, Maghreb et Moyen-Orient essentiellement) a été analysée. Des pistes pour toucher davantage de clients ont été évoquées.

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« Campagne de 2018-2019, répit ou trompe-l’œil ? s’est demandé Philippe Heusele, président de France Export Céréales (FEC). Le répit est apporté par la bonne qualité malgré une récolte moyenne-basse en matière de rendements et les cours bienvenus pour les producteurs après quelques années compliquées. En revanche, c’est un trompe-l’œil, en particulier pour le blé tendre en raison d’une moindre concurrence dans l’Union européenne en démarrage d’année et la forte place qu’occupe l’Algérie dans nos clients à l’exportation. »

Les concurrents aux aguets

D’autant que ce partenaire historique est « le premier client pays tiers de la France dont le poids est croissant depuis 20 ans, passant de 20 % des exportations sur la décennie 1998-2008 à 40 % sur 2008-2018, soit entre 4 et 4,5 Mt de blé tendre », détaille Roland Guiragossian, responsable de FEC Le Caire-Alger.

 

Cela est permis par un cahier des charges facilement accessible à la production tricolore (11 % de protéines, 14,5 % d’humidité…). Mais si l’Hexagone est depuis longtemps le premier fournisseur de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC), les accidents des campagnes de 2014-2015 (Hagberg) et 2016-2017 (sécheresse) ont fait germer dans l’esprit de l’office « la nécessité d’avoir un panel de fournisseurs et une ouverture du cahier des charges », poursuit l’expert de la région. L’Argentine et les États-Unis sont donc revenus dans la course en 2016, tout comme l’origine mer Noire, en particulier la Russie qui grignote des parts de marché depuis peu.

 

De son côté, l’Arabie Saoudite, dont la politique a été en 2008 d’arrêter la production de blé pour réduire sa consommation en eau, est devenue complètement dépendante des importations en 2016. Cela s’est estompé car le blé ayant été remplacé par les fourrages verts, la consommation d’eau s’est accrue – contrairement au souhait de base ! Le pays a donc rouvert la possibilité de cultiver du blé sur 90 000 ha et uniquement pour des surfaces inférieures à 50 ha par agriculteur. Mais pour le moment, « les blés français ne répondent pas au cahier des charges de très haut de gamme de la Sago (Saudi Grain Organisation) », remarque Christelle Tailhardat, de Synacomex/Granit Négoce, avec notamment un taux demandé de gluten humide de 26 %. Sur cette destination, il faut aussi compter avec la concurrence interne puisque le pays est en passe de privatiser quatre sociétés (d’ici à la fin de l’année) et donc de libéraliser le marché.

Conquérir de nouveaux clients

Omar Yacoubi, directeur général de moulins au Maroc et en Guinée insiste : « Le blé français est un très bon blé moyen. » La céréale tricolore ne colle pas, par exemple, au marché guinéen où les boulangers sont inexpérimentés et pétrissent à la main. « La farine, qui n’est pas issue de mélange, doit y être de meilleure qualité avec davantage de protéines qu’au Maroc. Or l’offre française n’a ni assez de force, ni assez de tolérance », pointe O. Yacoubi.

 

Toutefois, la France a son va-tout à jouer avec la qualité sanitaire de ses blés, et notamment l’absence de problèmes d’insectes au stockage (ce qui n’est pas forcément le cas de la Russie). De plus, comme le mentionne Omar Yacoubi : « Ce qui est livré par la mer Noire, n’est pas toujours conforme à la commande, sans parler des délais d’attente », lesquels peuvent être allongés par temps très froids ou grands vents. Ce à quoi la France n’est pas confrontée.

 

Des pistes d’amélioration ont cependant été évoquées : « peaufiner la sélection des mélanges variétaux destinés aux pays tiers » pour Guillaume Jaquet, meunier français installé depuis 12 ans en Afrique, « proposer des offres de blés différentes et différenciées, ainsi que des tests plus poussés qui donnent davantage d’informations sur les blés » pour Omar Yacoubi ou « repenser toute la filière autour des variétés ou pratiques culturales… simplifier les chartes, etc. » pour Geert Parmentier, agronome chez Dossche Mills (Belgique)

 

Enfin, dans l’Union européenne, 54 % des exportations françaises de blé vont vers la Belgique (2,2 Mt) et les Pays-Bas (2 Mt) et « 60 % du débouché est en “feed” », signale Martial Guerre, FEC, mais l’Hexagone a perdu des parts de marchés en Italie.

Focus sur l’Argentine

La part belle a été donnée à l’Argentine par la voix du courtier Leandro Pierrbattisti :

« L’origine étant de contre-saison, tout comme l’Australie et dans une moindre mesure l’Uruguay, l’Argentine est en mesure d’exporter du blé au moment où il faut être agressif car les gars ont la “camelotte” ».

 

En effet, les producteurs font preuve d’une forte réactivité à l’égard des signaux du marché. De plus, le blé argentin bénéficie d’un bon rapport qualité-prix. Et le potentiel de production du pays est considérable. Toutefois, l’inflation, le retour des taxes à l’exportation (qui avaient été levées, tout comme les quotas à la fin de 2015) ou l’instabilité politique viennent ternir le tableau.

 

 

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